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L’hiver québécois

Louis-Edmond Hamelin

Professeur retraité
Université Laval

Le mot hiver a environ dix siècles. Il est pétri de cultures anciennes qui influencent encore les conceptions d’aujourd’hui. L’hiver du Québec méridional correspond à un état dit de nordicité saisonnière; cette partie du Québec serait située au sud d’une ligne passant par Sept-Îles et Mistassini. Quoi qu’il en soit des conditions hivernales, d’ailleurs très variables, la période froide se présente comme la plus originale de l’année. Pas étonnant que, depuis un demi-siècle, le mot hiver soit le plus chanté.

Les traits distinctifs

Parmi la quinzaine de référents susceptibles de rendre compte de l’hiver laurentien, nous en retenons cinq.

La neige. Des relevés perceptuels font de cet élément l’emblème dominant de l’espace froid. Encore faut-il distinguer les chutes de neige du tapis nival au sol; les premières occupent plus de 20 % du temps, tandis que le second correspond à la neige hivernante, celle qui dure tout l’hiver. L’élément double le pays; il l’influence en ce qui concerne la luminosité, l’acoustique et les actions humaines. En Gaspésie, le rocher Percé offre un paysage tout autre par sa parure hivernale.

Le froid de l’air. Voilà le trait le plus fréquent dans les définitions. Les températures au-dessous de zéro degré Celsius produisent l’« engel » de tout : eau, éléments humides, aliments, matières ligneuses et peau. Les nouvelles conceptions touchant le facteur éolien, la contre-déperdition de chaleur du corps, la compensation calorifique et la pratique du plein air hivernal n’ont pas encore eu de répercussions profondes dans la lexicographie du mot hiver.

La luminosité. Cette brillance de l’atmosphère qui cause un éblouissement nival, ou mal de neige, tient à l’ensoleillement et à la réflexion de cette énergie, notamment grâce au tapis nival. Même si la forte lumière d’hiver est d’une grande importance dans la vallée du Saint-Laurent, qui profite d’un éclairement plus long que celui des capitales finno-scandinaves, la luminosité n’appartient pas à notre définition habituelle de l’hiver.

La glace. Ce trait n’attire pas non plus une grande attention. La glace est une matière gelée, solide, blanchâtre et évaluée en fonction de l’air (cristaux), de l’eau (frasil), de la surface de la terre (glacier; gélisol) ainsi que d’objets exposés « verglaçables ». Quant aux étendues d’eau, elles sont recouvertes de glaces flottantes, appelées glacielles. Le mot exprime les processus, les états et les effets de la couverture congelée au-dessus des nappes d’eau. Sur le Saint-Laurent, ce phénomène, qui dure quelques mois, est soit une carapace ferme que combat la navigation hivernale, soit une banquise qui peut inclure de gros morceaux lors de la descente des battures.

Les activités. Si l’hiver était qualifié de saison morte en ce qui a trait à la culture du sol, il n’en est pas ainsi dans de nombreux autres domaines. Un ouvrage ethnologique (1957) fournit un tableau étonnant des métiers d’hiver au Québec. Aujourd’hui, profiter de l’hiver est notamment le lot de centaines de milliers de sportifs qui emploient une foule de mots appropriés, comportant soit un formant « neige » (comme dans motoneige), soit un formant « glace » (comme dans escalade de glace), soit un sens établi à partir d’autres étymologies : glisse, patinage, raid Harricana, raquette, ski-alpinisme, ski de fond, slalom, toboggan. Le touriste s’engage dans des déplacements saisonniers que la publicité appelle évasion hivernale. Les migrations sont clairement exprimées dans les termes hivernant et hiverner se rapportant à l’homme qui part se mettre au chaud (aller passer l’hiver au Maroc) plutôt qu’à celui qui n’y va pas. Or, en nombre de jours froids, ces types de partants représentent peu de gens par rapport à l’ensemble de la population. En fait, les loisirs ne sont que l’une des façons de se manifester en hiver; alors que beaucoup d’activités pratiquées en d’autres saisons se poursuivent, certaines connaissent des interruptions, d’autres apparaissent pendant la période, comme en témoignent les termes déglaçage (des avions), déglaceur de gouttière, déneigement (des voies), hiverniser (des véhicules), vêtements d’hiver. En fait, la saison est beaucoup plus qu’un phénomène naturel.

La perception et les expressions

L’hiver possède son langage, d’ailleurs au cœur d’un débat sans fin entre ceux qui acceptent le phénomène et leurs opposants; les uns et les autres peuvent employer des termes caractéristiques : hivernitude et jardin de givre. Des agences jouent sur les émotions en demandant : Préférez-vous le soleil des tropiques ou le froid de l’hiver? L’« hivernophobe » devient un mauvais hivernant. Le thème de l’inclémence de la saison se trouve dans beaucoup d’écrits. Vers 1960, un relevé de 265 textes littéraires québécois n’en montre qu’un seul dont le titre contient le mot. Des citoyens acceptent mal les tempêtes et les grands froids (moins 20 ºC). À l’inverse, une partie de plus en plus grande de la population vit l’hiver normalement. D’excellents tableaux sont consacrés à la période froide, La danse sur le glacier de Paul-Émile Borduas, Village dans les Laurentides de Clarence Gagnon, les paysages enneigés de René Richard, de même que les œuvres de l’exposition Hiver noir de René Derouin. Par ailleurs, une riche poésie évoque l’hiver. La toponymie s’est aussi mise de la partie en créant Neigette et Pointe du Glaciel.

Dans 33 dictionnaires, le nombre de dérivés du mot hiver varie de trois à sept; on y trouve surtout hivernage, hivernal, hivernant et hiverner, mais de nombreuses autres unités lexicales se trouvent dispersées dans les articles consacrés aux traits distinctifs de la saison froide. Un relevé du parler populaire (1980) mentionne environ 80 expressions reliées au mot hiver, 120 à glace et 140 à neige. Un recueil des mots courants consacrés à l’hiver forme un lexique dépassant 2000 unités, sans compter les locutions locales ou humoristiques, comme hiver au show. Par comparaison, en 1992, la France avait produit une liste de 500 termes se rapportant aux seuls sports olympiques hivernaux.

La définition

L’hiver est une saison froide, nivale, glacielle et lumineuse qui affecte l’air, la mer et la terre. Il est variable suivant les types de temps, les lieux, les jours et les années. Il influence l’imaginaire, la santé, les conditions de travail, les pressions sociales, les techniques, les services publics de même que les activités sportives et touristiques.

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